Les tourbillons de Görtler

 
 

Quand c’est trop fort au déco, alors qu’on est tous vautrés dans l’herbe à attendre que ça baisse, c’est sympa d’avoir conneries à raconter  pour distraire les copains. Avec les Tourbillons de Görtler, l’effet est garanti !

 

Il est certain, que notre ami Görtler, ne fait pas un carton sur les Facebook parapentistes. Je vole en plaine, les soucis de lecture de la masse d’air, c’est 50 m au-dessus des chaumes quand je serre les fesses, à 1000 m bon an mal an, l’ascendance est établie. Aussi les phénomènes de “couche de surface” au sens de Stull (je m’y réfère ici par simplicité d’écriture), m’intéressent particulièrement. Nos plaines sont loin d’être aussi plates que dans les livres, si nous nous interrogeons sur le comportement d’un flux sur une surface convexe ou concave, nous tenons là, un excellent moyen pour encore compliquer les choses.

 

Un petit saut page 19 / 20 du cours d’O.Cadot sur la turbulence, nous confirme qu’une courbure convexe d’un sol stabilise les flux alors qu’une courbure concave tend à les déstabiliser, de plus la figure 3.6 pique notre curiosité : les tourbillons de Görtler.

O Cadot

Les chercheurs sont terribles, leur soif de comprendre est épatante. Pour les plus téméraires d’entre eux, les sensations fortes se résument aux montagnes russes du Futuroscope, nous, alors que c’est notre pain quotidien, ne cherchons pas à voir plus loin que le 2ème barreau de notre accélérateur.  En ce qui concerne les phénomènes de turbulence, il est certain que nos soucis de coteaux ne sont pas le centre de leurs préoccupations, seul leur importe les phénomènes bidouillables dans leur cuisine. A leur échelle c’est bien plus petit et sa souffle bien plus fort qu’à Grenois, mais juste pour se faire une idée, calculons un Reynolds dans nos conditions de vol : 1e5, 100 000… C’est proche, voir dans la fourchette des conditions de leurs expériences de labo, à en croire notre ami Osbourne, ça vaut peut-être le coup d’y jeter un œil.

La page wikipédia simplement pour une présentation en 2 mots des tourbillons de Görtler, il n’y a pas grand-chose à en tirer. Bien plus instructif est l’article : Boundary layer transition over a concave surface caused by centrifugal instabilities de M. Mendez, M. S. Shadloo, A. Hadjadj, A. Ducoin paru dans Computers & Fluids en Juin 2018.

Cliquer sur l’image pour lancer la vidéo.

 

Cette vidéo ne nous est pas destinée. Je n’ai aucune idée des paramètres retenus pour cette simulation, température, viscosité, pression atmosphérique (peu de chance de tourner à Mack 7 au niveau de la mer), quelle est la valeur du nombre de Reynolds ? Faut pas s’emballer, de toutes façons à ces vitesses nos voiles restent dans le coffre des bagnoles. Pour autant, la cinématique des tourbillons de Görtler que ces images illustrent reste toutefois édifiante.

Comparaison n’est jamais raison, mais purée, imaginons nous en vol au-dessus d’une surface concave, qui pourrait bien être le versant de notre coteau favori, nous traverserions ces structures en rouleau, exploitables à notre échelle. Qui pourraient, dans le cas ou leur sommet perceraient la hauteur de convection libre, évoluer en cellules thermiques “traditionnelles”. Mais qui, dans le cas contraire, s’avéreraient stériles. Surtout que dans cette hypothèse, “La Montagne ” sur sa ligne de crête redevient concave ce qui tendrait à re-stabiliser localement l’écoulement.

Vinicius Malatesta, Leandro F. Souzab,, Joseph T. C. Liuc, Markus J. Klokerd se sont intéressés aux transferts de chaleur dans la couche limite sous ce type d’écoulement : Heat transfer analysis in a flow over concave wall with primary and secondary instabilities

Y’a des jours où … systématiquement, le vario bipe, nickel, ½ tour voir 1 tour complet et… plus rien…retour direct le cul dans les branches… les déclenchements sont récurrents et le meilleur moyen d’en tirer quelque chose reste encore d’avancer face au vent, on en sort là aussi bien trop vite, mais c’est souvent suffisant pour entretenir nos aller-retour sur le coteau. Tourbillons de Görtler ou non ???  La seule chose que j’affirme, j’y tiens et j’assume, est qu’en remettant en questions nos poncifs simplificateurs, la grille de lecture de notre terrain de jeu s’étoffe. S’interroger : la plaine est ‘elle plane devant le coteau ? débouche sur des études passionnantes, loin d’être pour nous complètement incongrues.

Dépassons nos tourbillons pour élargir le sujet, une 1ère remarque, sur nos plaines agricoles, en cross lorsqu’on commence à mater le sol plutôt que les cums, il est peut être judicieux de délaisser les “ventres ronds” pourtant bien tentants avec leurs surfaces au soleil dans le lit du vent (je m’y suis souvent planté), pour s’intéresser “aux cuvettes” qui par leur concavité, elles, tendent à déstabiliser le flux aérologique.

Une 2ème : la “magie de Grenois”. En Sud, la plaine devant fait une longue vague, une grosse concavité: la vallée de l’Yonne, le premier léger “coteau” convexe, axe Asnan-Route de  Brinon qui replonge un peu : route de Grenois, cette seconde concavité se redresse d’abord en douceur puis franchement pour finir par notre “Montagne”. Tout y est, pour que dans certaines conditions, vitesse du vent, critère d’instabilité de la masse d’air, le système d’oscillation de la stabilité en très basse couche qui se met en place amplifie sérieusement le rendement de notre coteau.

 

j.jacques – 1 août 2018