Modélisation

Thermiques

Diagramme d’Orlanski revu par Stull

Eddy: Ecoulement horizontal de mouvements tourbillonnaires

 

LES – 3D

 

Voici une illustration superbe de notre jardin d’Eden. C’était le paradis, le temps jadis des belles spirales et des Vz intégrées. Le souci c’est qu’un con sur un déco s’est fait refiler une pomme et la bouffée, là-haut ça a foutu un bordel… du coup pour nous, c’est devenu bien, bien, plus compliqué. Il nous reste de ce bon vieux temps que les préceptes de nos vieux sages et leurs grimoires. Cette page wikipédia en est un bel exemple, pour ne pas perdre un tel monument je l’ai sauvegardée ici.

Avant le déluge, la masse d’air qui baignait nos campagnes était une couche homogène : l’atmosphère standard, animée d’un mouvement linéaire (vent) parsemée de thermiques, comme des grumeaux dans une soupe. Ces champignons apparaissaient, se développaient et disparaissaient sans plus d’interaction, qu’un courant vertical localisé. On a tous entendu  des pilotes qui se disaient au vent ou sous le vent d’un thermique, le vent contournait leurs colonnes thermiques comme des quilles, malgré tout des pros calculaient la dérive d’un planeur, qui spirale dans une ascendance : la pompe était alors complètement transparente, le vent la traversait sans aucune autre action que de repousser le planeur qui enroulait à l’intérieur…

Aux temps divins de mes jeunes années, où les thermiques se comportaient comme des ballons de baudruche, dans les clubs de vol à voile bien équipés les pilotes attendaient avec impatience la télécopie du radiosondage de la nuit pour suivre avec gourmandise les adiabatiques. Vz = [√ (2 x CAPE)] /2, que ça sent bon la madeleine! Non pas que les tutos sur les emagrammes  doivent être jetés aux orties, ce sont des premières approches pédagogiques dignes d’intérêt. C’est à nous de ne pas prendre pour baliser nos cheminements des vessies pour des lanternes.

 

Ces propos sont acides. Il faut toujours garder à l’esprit que tout modèle repose sur un ensemble d’hypothèses, il est nécessaire de les remettre en question en permanence. Les campagnes d’observation se multiplient, les outils techniques se sophistiquent, la précision des mesures, les capacités de calculs augmentent, ces hypothèses et donc la modélisation qui en dérive sont-elles toujours adaptées pour interpréter les observations ? A supposer même qu’aujourd’hui nous disposions du cadre théorique nécessaire et suffisant pour décrire le fonctionnement atmosphérique, les équations sont trop “complexes” à résoudre. Les modèles fonctionnent sur des hypothèses simplificatrices, on ne peut en tirer une description de son fonctionnement réel mais des solutions approchées compatibles avec l’ensemble les observations disponibles.

Le fonctionnement de la couche limite décrit par le pro des pros des vélivoles des années 1950, alors pertinent compte tenus des observations alors disponibles, n’a aujourd’hui plus qu’un intérêt historique. Le ressasser encore et encore m’agace au plus haut point … Bon Sang ! : la modélisation d’un ensemble de phénomènes complexe comme le fonctionnement de notre couche limite se construit par étape , au fil des avancées sur ses hypothèses, hypothèses par nature vérifiables et réfutables. Figé ce n’est plus un modèle c’est un dogme.

 

Si Seb est au plaf alors que je galère le cul dans les branches, s’il n’y a pas moyen d’enrouler plus de 2 tours sans me faire gerber, la bonne réaction ce n’est pas forcement : Put… j’suis nul aujourd’hui !

L’objectif ici n’est pas de discuter demain au déco de l’approximation Boussinesq, ni de pondre de nouvelles recettes pour trouver et centrer nos pompes. Le champion qui s’est posé à 200 bornes, alors qu’il était persuadé qu’il y en avait ce jour-là plus de 300 à faire est-il satisfait de sa perf ? Ce type de frustration n’est qu’un écart entre l’analyse de la masse d’air que fait le pilote, qui dicte son pilotage et ses décisions (recentrage, cheminement etc.) et les conditions de vol subies. Le meilleur moyen de limiter ces écarts est bosser sur les 2 plans:

  • Affiner sa compréhension de la masse d’air.
  • Améliorer sa technique (pratique du vol, matos).

Que tirer aux barbules d’un survol des modèles, LES, flux de masse. simplement que les pros de la météo ne voient pas la couche limite comme nous, nos jeux de quilles. Pour eux c’est un système complexe de structures tourbillonnaires emboîtées, de l’échelle des micros tourbillons aux anticyclones, ce de façon large et continue, et qui sont toutes en forte interaction. L’effet des petites structures affecte le comportement des grosses, dont l’influence compromet simultanément le mouvement global des petites. Dans leur couche limite, il n’est plus question de vent “météo”, géostrophique en argot, ni de thermiques. Mais d’ensembles cohérents de particules, dont la distribution statistique des vitesses  converge vers une valeur et dans une direction donnée. Aucune différence donc entre un vent horizontal et un thermique vertical, c’est juste de la turbulence. Quand ils doivent plonger dans ce sac de nœuds, les météorologues sortent leur couteau  suisse : les équations de Navier-Stokes, (une page wiki pour se faire peur). Ce point de vue est fondamental, cf. le point de vu “classique” diagramme d’Orlanski 1975, ou les Eddy simulations contemporaines,  Nos thermiques de la vulgaire turbulence! Ne jouons pas les effarouchées, notre affectivité nous conduit dans des impasses.

J’insiste peut être un peu lourdement sur ce point, il m’apparaît comme important. Un simple exemple: sur nos décos passent des “coups de vent”, nous en considérons certains comme du vent météo, d’autres sont des “bouffées thermiques” pourquoi? Simplement parce qu’elles sont plus rapides? dans une direction différente? d’une durée plus courte? Pour un météorologue nul besoin de nommer ou classifier le phénomène observé, il ne retient que les mesures qu’il en tire: en argot les variables d’état (pression, température,  rapport de mélange…), ce sont ces seuls éléments qu’il “mouline” dans les modèles. La vitesse ou la densité d’une particule d’air par ex ne sont pas des variables d’état, elles sont déductibles des premières, ce sont des fonctions et équations d’état. Ce sont elles qui permettent de “prévoir” l’évolution d’un système en calculant les variations des variables initiales. Toute l’expertise consiste à affiner ces fonctions et équations en les validant sur le terrain, il faut que les simulations collent aux mesures relevées, d’où les campagnes célèbres citées de biblio en biblio.

 

Pourquoi ne pas confronter nos beaux schémas aux relevés tirés de ces campagnes de mesure et ne pas s’interroger sur les flux que modélisent les équations?

Pour illustrer le 1er point, voici 4 fig. tirées d’un boulot de Geerts et Miao: The Use of Millimeter Doppler Radar Echoes to Estimate Vertical Air Velocities in the Fair-Weather Convective Boundary Layer, 2004. C’est la campagne IHOP2002 sur les Grandes Plaines aux USA. Il s’agit ici de série temporelle, pour les 2 premiers et d’une coupe pour les 2 derniers, des profils verticaux de réflectivité obtenus par un radar aéroporté ayant une antenne vers le haut et une antenne pointant vers le bas (le passage de l’avion est matérialisé par la zone aveugle noire des antennes). Les thermiques sont caractérisés par des réflectivités plus fortes. A noter que cette journée le vent était faible, les thermiques sont verticaux et non basculés par le cisaillement du vent.

Les thermiques sont sans forme, ils s’amorcent et se coupent à différentes altitudes, convergent ou divergent, comprennent des “noyaux” plus rapides ou plus lents… Bon sang, ça sent la sueur! Nous y retrouvons notre merdier ordinaire.

Sur cette campagne, Geerts et Miao pour valider leurs idées ont été jusqu’à enregistrer les échos radar des petits insectes aspirés par les thermiques,  la publication.

Je peux multiplier les exemples, un travail de 1981 d’Odile Taconet et Alain Weill : Vertical velocity field and convective plumes in the atmospheric boundary layer as observed with an acoustic doppler SODAR.

Un dernier exemple pour susciter votre curiosité , ici sur le plan de la “confiance” à accorder aux modèles. Je tire de Fleur Couvreux, Variabilité de la vapeur d’eau de la couche limite convective continentale, 2005,  les figures ci-dessous qui comparent la coupe verticale du rapport de mélange mesuré par un lidar aéroporté DLR-DIAL (à gauche, fig a) le 14 juin 2002 autour de 12h15, les contours négatifs (positifs) de Vz sont indiqués en pointilles (traits continus), les contours négatifs (positifs) sont -1.6, -1.2, -0.8, -0.4 m/s (0, 0.5, 1, 2, 3, 4 m/s), à la même coupe simulé par un modèle LES à 12 h (à droite, fig b).

Je n’ai pas encore déniché La Grande Encyclopédie de la Couche Limite. Le bouquin de Stull publié en 1988 n’est plus d’actualité mais il reste une référence: An Introduction to Boundary Layer Meteorology, l’édition 1999. Compte tenu du dynamisme des recherches dans ce domaine, faire la somme des publications est vain, le sujet est suffisamment riche pour qu’une revue internationale: Boundary-Layer Meteorologie soit publiée. Chaque recherche affine la compréhension, valide une nouvelle position, ou remet en question un point précis. Ce qui nous importe c’est une vision globale de la dynamique de la couche limite, elle se nourrit de nos réflexions, de nos questionnements et de nos expériences, s’intéresser à ces travaux l’étoffe, nous y gagnons une ouverture d’esprit et y renforçons notre sens critique.

 

Je passe en sous-menu, un conseil de lecture que j’avais précédemment mis en ligne: une thèse de Rachel Honnert de 2012 : Quelle turbulence dans les modèles atmosphériques à l’échelle kilométrique ? Cette publication présente de façon rapide les principaux travaux menés pour comprendre le fonctionnement de la couche limite, elle fait le point sur les limites des modèles utilisés alors, la biblio est riche, pour nous c’est une bonne approche.

 

 

Quelques publications pour la route (liste à enrichir):

Lenschow et Stephens: The role of thermals in the convective boundary layer. 1980. Où on trouve une approche du calcul des Vz, il n’y est pas question de suivre des courbes adiabatiques sur un émagramme. Un boulot qui aujourd’hui fait son age, abordable il nous permet d’appréhender les enjeux relatifs à cette question.

Une mise à jour du travail précédent : An Empirical Model of Thermal Updrafts Using Data Obtained From a Manned Glider – Christopher E. Childress – 2010. Childress y corrige les calculs de Lenschow, pour coller aux mesures des Vz relevées par un planeur du 5 au 22 septembre 2006, sur les plaines au Nord du lac asséché près de la base de L’Air Force d’Edwars. Il conclut que les thermiques observés ont tendance à se structurer en cellules hexagonales, présentant à partir de la ½ hauteur de la couche limite un effondrement de leur cœur aboutissant à des Vz négatives. Ce serait dû aux échanges entrainement /détrainement. Ce n’est pas explicitement précisé mais je crains fort que tout ce travail repose sur 23 ascendances mesurées. OK pour les équations de calculs proposées : Vz, diamètre, restons toutefois circonspect quant au schéma dynamique avancé.

Un article publié dans : Boundary-Layer Meteorology de December 2007. On the Correlation between Convective Plume Updrafts and Downdrafts, Lidar Reflectivity and Depolarization Ratio écrit par Fabien Gibert, Juan Cuesta, Jun-Ichi Yano, Nicolas Arnault et Pierre H. Flamant. Le sujet n’est pas exaltant, mais cet article nous propose des coupes obtenues par LIDAR au-dessus de Palaiseau et non sur les Grandes Plaines Américaines, sur 6 journées de mesures de Septembre 2003  à juin 2005. C’est certes bien limité, pour autant ce travail rend compte de relevés dans nos conditions de vol.

Thèse de Catherine Rio de 2010 : Paramétrisation de la couche limite atmosphérique convective et représentation du cycle diurne des nuages dans un modèle de climat. L’objectif principal de cette thèse est d’améliorer la représentation du cycle diurne des nuages convectifs dans les modèles de circulation générale atmosphérique grande-échelle. Cela suppose une étude des processus en jeu dans la convection sèche et nuageuse peu profonde et profonde. La partie “peu profonde” nous intéresse vivement

 

 

jjacques  –  12 juillet 2018